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Confessions d’un Tueur A Gages Economique

Par John Perkins

Tente de 600 – le 30 janvier - John Perkins, expert repenti qui a passé sa vie au service de la communauté bancaire internationale, dans un long monologue ponctué de vagues d’applaudissements des auditeurs attentifs et débordant de reconnaissance, explique comment il a travaillé à l’établissement de l’empire nord-américain au dépend des pays « pauvres », riches de ressources naturelles. Il présente son livre « Confessions of an economic hitman », dont j’ai retrouvé la préface et le prologue sur Internet (www.johnperkins.org , www.dreamchange.org )

Préface (traduit de l’anglais par Catherine Palmowski)

Les “tueurs à gages économiques” ou TAGEs sont des professionnels grassement payés qui escroquent des pays partout dans le monde de trillions de dollars. Ils canalisent l’argent de la Banque Mondiale, de l’Agence Américaine Pour le Développement International, et autres agences d’aide internationales vers les coffres de grosses multinationales ou de quelques familles richissimes qui contrôlent les ressources naturelles de la planète. Les outils dont ils se servent, sont entre autres les rapports financiers frauduleux, les élections truquées, les pots de vin, l’extorsion, le sexe et le meurtre. Ils jouent à un jeu vieux comme le monde, mais qui avec la mondialisation a pris une nouvelle et terrifiante dimension.

Je le sais d’autant mieux que j’ai été un de ces tueurs à gages économiques.

J’ai écrit cela en 1982 en introduction à un livre dont le titre était La conscience d’un tueur à gages économique. Le livre était dédicacé aux présidents de deux pays, des hommes qui avaient été mes clients, que je respectais et considérais comme des âmes sœurs -Jaime Roldós, président de l’Equateur et Omar Torrijos, président du Panama. Tout deux sont morts dans des accidents spectaculaires. Leurs morts n’étaient pas accidentels. Ils furent assassinés parce qu’ils s’opposaient à cette fraternité de chefs d’entreprise, de gouvernements et de banquiers dont l’objectif est l’empire globale. Et comme nous, les tueurs à gages économiques avions échoués dans nos tentatives de les convaincre, ce sont les chacals appointés par la CIA (qui étaient toujours là dans l’ombre derrière nous) qui ont pris la relève.

On m’a convaincu d’interrompre la rédaction de mon livre. Je l’ai repris à quatre reprises pendant les vingt ans qui ont suivi. A chaque fois, ma décision de le reprendre, m’a été dictée par des évènements de l’actualité internationale, l’invasion du Panama par les USA en 1980, la première guerre du golf, la Somalie et l’ascension de Osama bin Laden. Toutefois, à chaque fois, j’ai été persuadé de l’interrompre soit par des menaces ou des pots de vin.

En 2003, le président d’une grande maison d’édition qui appartient à une puissante entreprise internationale lut une ébauche de ce qui entre temps était devenu Les confessions d’un tueur à gages économique. Il décrivit l’ouvrage comme « une histoire fascinante qui méritait d’être racontée ». Puis il sourit tristement, secoua la tête et me dit que les gros bonnets du siège s’opposeraient à sa parution et qu’il ne pouvait donc se permettre de le publier. Il me conseilla d’en faire un roman. « Nous pourrions alors vous commercialiser comme un romancier dans le genre de John Le Carre ou Graham Greene. »

Mais ce n’est pas de la fiction, c’est la véritable histoire de ma vie. Un éditeur plus courageux qui n’appartient pas à une multinationale a consenti à m’aider à la raconter.

Il faut que cette histoire soit racontée. Nous vivons à une époque de crise terrible, mais aussi de d’opportunités immenses. L’histoire de ce tueur à gages économique raconte comment nous en sommes arrivée là où nous sommes et pourquoi nous sommes actuellement confrontés à des crises qui semblent insurmontables. Cette histoire doit être racontée, parce que ce n’est qu’en comprenant nos erreurs passées que nous serons en mesure de profiter des opportunités futures, parce que le 11 septembre a eu lieu, ainsi que la seconde guerre d’Irak, parce que aux 3000 personnes qui sont mortes le 11 Septembre des mains des terroristes, il faut ajouter les quelques vingt quatre mille qui sont mortes de faim ou de causes imputables à la faim. En fait, vingt quatre mille personnes meurent tous les jours parce qu’ils sont privés de la nourriture nécessaire à les maintenir en vie. Plus important encore, cette histoire doit être racontée parce que aujourd’hui pour la première fois dans l’histoire, une nation a la capacité, l’agent et le pouvoir de changer tout cela. C’est la nation où je suis né, celle que j’ai servi en tant que tueur à gages économique : les Etats-Unis D’Amérique.

Qu’est ce qui m’a enfin décidé à ignorer les menaces et les pots de vin ?

La réponse brève est que mon seul enfant, Jessica, a fini ses études et mène aujourd’hui sa propre barque. Quand je lui ai récemment dit que j’envisageais de publier ce livre et que je lui ai fait part de mes craintes, elle m’a dit « ne t’inquiètes pas papa, s’ils arrivent à t’avoir, je reprendrais là où tu te sera arrêté. Il faut que nous le fassions pour les petits enfants que j’espère un jour te donner ! »

La version plus longue se rattache à mon dévouement au pays où j’ai été élevé, mon attachement aux idéaux exprimés par nos pères fondateurs, mon engagement envers la république américaine qui nous est promise aujourd’hui, « la vie, la liberté et la poursuite du bonheur » pour tous et partout, et à ma détermination après le 11 septembre à ne plus rester à ne rien faire tandis que les tueurs à gages économiques transforment cette république en un empire global. Ceci est le schéma simplifié de la version longue qui sera développé dans les chapitres suivants.

Ceci est une histoire vraie dont j’ai vécu chaque minute. Les endroits, les personnes, les conversations et les sentiments que je décris ont tous fait partie de ma vie. C’est mon histoire personnelle et cependant elle s’est déroulée dans le contexte plus large des évènements mondiaux qui ont façonné notre histoire, nous ont menés là où nous sommes aujourd’hui, et constituent les fondations de l’avenir de nos enfants. J’ai fait de mon mieux pour restituer ces expériences, ces personnes, et ces conversations de la façon la plus fidèle possible. Chaque fois que je parle d’évènements historiques ou que je reconstitue des conversations avec d’autres personnes, je le fais à l’aide de différents outils dont des documents publiés, des archives personnelles et des notes, des souvenirs -les miens et ceux d’autres personnes qui étaient présentes ; les cinq manuscrits que j’ai commencé autrefois ; et des comptes rendus historiques par d’autres auteurs, plus particulièrement ceux qui ont été publiés récemment et qui révèlent des informations jusqu’ici classés secrets ou indisponibles autrement. Des notes et des références sont fournies pour permettre aux lecteurs intéressés d’approfondir ces sujets.

Mon éditeur m’a demandé si nous nous référions à nous mêmes comme des tueurs à gages économiques, je lui ai dit que oui, bien qu’en général nous nous contentions d’utiliser les initiales TGE. En fait, le jour de 1971 où j’ai commencé à travailler avec mon professeur Claudine, elle m’a dit : « Ma mission est de faire de vous un tueur à gages économique. Personne ne doit être au courant de votre implication__ pas même votre femme. » Puis plus sérieusement elle me dit « Une fois là dedans, vous y êtes pour la vie. » Après cela elle utilisa rarement le terme tueur à gages économique, nous étions simplement des TAGEs.

Le rôle de Claudine est un exemple fascinant de la manipulation à la base du travail que j’allais désormais accomplir. Belle et intelligente, elle était très efficace, elle comprenait mes faiblesses et les utilisait tout à son avantage. Son travail était à l’image des rouages qui permettent au système de rester sur les rails. Claudine ne mâchait pas ses mots lorsqu’elle décrivait les taches que je serais amené à accomplir. Mon travail serait « d’encourager les dirigeants mondiaux à faire partie d’un vaste réseau dont le rôle est de promouvoir les intérêts commerciaux des Etats-Unis. A la fin, ces dirigeants se retrouvent pris au piège dans une toile d’araignée de dettes de façon à assurer leur loyauté. Nous pouvons ainsi faire appel à eux chaque fois que c’est nécessaire pour satisfaire nos besoins politiques, économiques ou militaires. En échange, ils renforcent leurs propres positions politiques en fournissant des parcs industriels, des usines électriques et des aéroports à leurs peuples. Les propriétaires des entreprises américaines d’engineering et de construction deviennent fabuleusement riches.

Aujourd’hui nous voyons les effets pervers de ce système. Les dirigeants de nos entreprises les plus respectés embauchent des travailleurs à des salaires de misère et les font travailler dans des conditions inhumaines dans des ateliers en Asie. Les compagnies pétrolières déversent abusivement des toxines dans les rivières des forêts tropicales, tout en sachant qu’elles tuent des gens, des animaux et des plantes et commettent un génocide à l’encontre des anciennes civilisations et cultures. L’industrie pharmaceutique refuse de fournir les médicaments salvateurs à des millions d’africains atteints du SIDA. Dans notre propre pays les Etats-Unis, douze millions de familles se font du souci pour leur prochain repas. L’industrie énergétique produit des Enron, la comptabilité des Arthur Andersen. Le ratio des revenus d’un cinquième de la population mondiale dans les pays les plus riches par rapport à celui du cinquième de la population dans les pays les plus pauvres est passé de 30 :1 en 1960 à 74 :1 en 1995. Les Etats-Unis dépensent plus de $87 milliards à mener la guerre en Iraq alors que les Nations Unis estiment que pour moins de la moitié de cette somme, nous pourrions fournir de l’eau potable, de la nourriture en quantité suffisante, des services sanitaires et une éducation de base à chaque personne dans le monde.

Et nous nous demandons pourquoi les terroristes nous attaquent !

Certains seraient tentés d’attribuer nos problèmes actuels à une conspiration organisée. J’aimerais que ce fût si simple. Les membres d’une conspiration peuvent être pourchassés et déferrés à la justice. Toutefois, ce système est alimenté par quelque chose de bien plus dangereux qu’une conspiration. Il est mû non par un petit groupe d’hommes mais par un concept qui est maintenant accepté comme l’évangile : l’idée que toute croissance économique profite à l’humanité et que plus la croissance est grande, plus grands sont les avantages. Cette croyance a aussi pour corollaire que les gens qui excellent à alimenter les feux de la croissance doivent être portés aux nues et récompensés, tandis que ceux qui sont nés aux marges de cette société sont là pour être exploités.

Ce concept est bien sur erroné. Nous savons que dans de nombreux pays, les avantages de la croissance ne profitent qu’à une petite portion de la population et peuvent en fait conduire à une situation encore plus désespérée pour la majorité. Cet effet est renforcé par la croyance corollaire que les capitaines d’industrie qui conduisent le système doivent bénéficier d’un statut spécial, une croyance qui est à l’origine de beaucoup de nos problèmes actuels et qui explique peut être l’abondance des théories de la conspiration. Quand les hommes et les femmes sont récompensés pour leur cupidité, la cupidité devient un mobile corrupteur. Quand nous assimilons la consommation gloutonne des ressources de la terre à un statut proche de la sainteté, quand nous enseignons à nos enfants à suivre l’exemple de personnes qui mènent des vies déséquilibrées et lorsque nous subordonnons d’énormes sections de la population à une élite minoritaire, nous cherchons les ennuis et nous les trouvons.

Dans leur effort pour promouvoir l’empire global, les entreprises, les banques, et les gouvernements (qui collectivement forment ce que j’appellerai désormais la « corporatocratie ») utilisent leur puissance économique et politique pour s’assurer que nos écoles, nos entreprises et les médias soutiennent à la fois ce concept fallacieux et son corollaire. Ils nous ont amené au point où notre culture globale est devenue une machine monstrueuse qui exige des quantités de fuel et de maintenance qui augmentent sans cesse de manière exponentielle, de telle sorte qu’elle finira par dévorer tout ce qui est en vue et n’aura pas d’autre choix que de se dévorer elle-même.

La « corporacratie » n’est pas une conspiration, mais ses membres adhèrent à des valeurs communes. Une de ses fonctions majeures est de perpétuer et sans cesse étendre et renforcer le système. Les vies de ceux qui la « créent » et leurs équipements : hôtels particuliers, yachts, jets privés -sont présentés comme des modèles qui doivent nous inspirer et nous pousser tous à consommer, consommer, consommer. Toutes les occasions sont bonnes pour nous convaincre qu’acheter est un devoir civique et que piller la terre est bon pour l’économie et sert donc nos intérêts supérieurs. Des gens comme moi touchent des salaires outrageusement élevés pour servir le système. Si nous échouons, un type plus méchant de tueur à gages, le chacal, prend notre place. Et si le chacal échoue, c’est l’armée qui prend le relais.

Ce livre est la confession d’un homme qui, lorsqu’il était un TAGE a fait partie d’un groupe relativement restreint. Aujourd’hui il y a beaucoup plus de gens qui jouent des rôles similaires. Ils portent des titres plus euphémistiques et arpentent les corridors de Monsanto, General Electric, Nike, General Motors, Wall Mart et de presque toutes les autres grandes multinationales. Dans un sens très réel, Les Confessions d’un tueur à Gages, est autant leur histoire que la mienne.

C’est aussi votre histoire, l’histoire de votre monde et du mien, celle du premier empire vraiment global. L’Histoire nous montre qu’à moins que nous ne modifiions cette histoire, elle ne peut que se terminer tragiquement. Les Empires ne durent jamais. Tous sans exceptions ont échoués lamentablement. Les empires détruisent bien des cultures tandis qu’ils se lancent dans une course vers une domination toujours plus grande et ensuite ils tombent à leur tour. Aucun pays, ni association de pays ne peut prospérer à long terme en exploitant les autres.

Ce livre a été écrit pour que nous puissions en tenir compte et remodeler notre histoire. Je suis sur que lorsque un nombre suffisant d’entre nous aura réalisé à quel point nous sommes exploités par la machine économique qui crée cet appétit insatiable pour les ressources du monde et qui aboutit à des systèmes qui favorisent l’esclavage, nous ne le tolèrerons plus. Nous réexaminerons notre dans un monde où un petit nombre nage dans l’abondance alors que la majorité se noie dans la pauvreté, la pollution et la violence. Nous nous engagerons à poursuivre une route qui mène vers la compassion, la démocratie, et la justice sociale pour tous.

Admettre l’existence d’un problème est un premier pas vers la solution de ce problème, notre salut et qu’il nous inspirera une plus grande implication personnelle et nous conduira à réaliser notre rêve de sociétés équilibrées et honorables.


Prologue

Quito, la capitale de l’Equateur s’étend à travers une vallée volcanique haute perchée dans les Andes à une altitude de 9000 pieds. Les habitants de cette ville, qui fut fondé longtemps avant l’arrivé de Christophe Colomb en Amérique, sont habitués à voir la neige sur les sommets environnants, en dépit du fait qu’ils ne vivent qu’à quelque miles au sud de l’équateur.
La ville de Shell, un avant poste frontalier et une base militaire, gagnée à coups de hache sur la jungle amazonienne équatorienne pour desservir la compagnie pétrolière dont elle porte le nom est à environ huit mille pieds plus bas Quito. C’est une ville étouffante essentiellement habitée par des soldats, des ouvriers de l’industrie pétrolière et des indigènes des tribus Shuar et Kichwa qui travaillent pour eux comme prostituées ou manœuvres.

Pour voyager d’une ville à l’autre, vous devez voyager sur une route à la fois tortueuse et à vous couper le souffle. Les gens du cru vous diront que ce voyage vous fait vivre les quatre saisons en un seul jour.

Bien qu’ayant souvent conduit sur cette route, je ne me fatigue jamais de ce paysage spectaculaire. Des falaises abruptes ponctuées de chutes d’eau en cascade et de broméliacées éclatantes s’élèvent d’un coté. De l’autre coté, le sol tombe de façon abrupte vers un abîme profond où la rivière Pastaza, une des sources de l’Amazone serpente en descendant les Andes. La Pastaza charrie l’eau des glaciers de Cotopaxi, un des plus hauts volcans en activité, et une divinité à l’époque des Incas, vers l’Océan Atlantique à plus de trois mille miles de distance.

En 2003, J’ai quitté Quito au volant d’une Subaru en direction de Shell investi d‘une mission différente de toutes celles que j’avais accepté jusqu’à là. J’espérais mettre fin à une guerre que j’avais aidé à déclencher. Comme c’est le cas pour nombre de missions menés par nous autres Tueurs à gages économiques, c’est une guerre virtuellement inconnue en dehors du pays où elle a lieu. J’étais en route pour rencontrer les tribus Shuar, Kichwa et leurs voisins les Achuars, Zaparos et Shiwiars qui étaient résolus à empècher nos compagnies pétrolières de détruire leurs maisons, leurs familles et leurs terres, même si cela devait signifier qu’ils puissent y laisser leur vie. Pour eux, ceci est une guerre pour la survie de leurs enfants et de leur culture, alors que pour nous c’est une question de pouvoir, d’argent et de ressources naturelles. C’est un des aspects de la lutte pour la domination du monde et du rêve de quelques hommes cupides : l’empire globale.

Construire un empire global, c’est ce que nous savons le mieux faire, nous autres TAGEs. Nous sommes un petit group d’élite d’hommes et de femmes qui utilisent les organisations financière internationales pour fomenter les conditions qui rendent les autres nations esclaves de ce que j’appelle la ‘corporatocracy’ qui gère nos plus grosses entreprises, notre gouvernement et nos banques. Comme nos homologues dans la Mafia, nous accordons des faveurs. Celles-ci se présentent sous la forme de prêts pour développer l’infrastructure de ces pays -usine électriques, autoroutes, ports, aéroports, ou parcs industriels. Une des conditions qui gouverne de tels prêts est que tous ces projets doivent être réalisés par des entreprises d’engineering et de construction américaines. En fait, le plus gros de l’argent ne quitte jamais les Etats-Unis, il est simplement transféré des bureaux de banques situées à Washington vers les bureaux d’entreprises d’engineering à New York, Houston ou San Francisco.

En dépit du fait que l’argent revient presque immédiatement aux grosses entreprises membres de la ‘corporacratie ‘(les créanciers), le pays bénéficiaire doit tout rendre, principal et intérêts. La mission du TGE est complètement réussie, lorsque le prêt est tellement important que le pays débiteur en est réduit à se mettre en cessation de paiements quelques années plus tard. Lorsque ceci se produit, comme la Mafia nous réclamons « notre livre de chair » qui souvent inclut un ou plusieurs des cas de figure suivants, le control de leur votes aux Nations Unies, l’installation de bases militaires, l’accès à des ressources précieuses comme le pétrole, ou le canal de Panama. Bien sur, le débiteur nous doit toujours cet argent et nous avons un autre pays à rajouter à notre empire global.

En conduisant de Quito à Shell par cette journée ensoleillée de 2003, j’ai repensé à ce jour 35 ans plus tôt où j’étais venu pour la première fois dans cette partie du monde. J’avais lu que bien que seulement de la même surface que le Névada, l’Equateur avait plus de 30 volcans en activité, plus de 15% des espèces d’oiseaux du monde, et des milliers de plantes jusqu’ici non encore répertoriées et que c’était une terre de cultures variées où autant de gens parlaient les anciens dialectes que l’espagnol. Je trouvais tout cela fascinant et bien sur exotique, toutefois les adjectifs qui me venait sans cesse à l’esprit étaient : pure, vierge, innocent.
Beaucoup de choses ont changé en 35 ans.

A l’époque de ma première visite en 1968, Texaco venait tout juste de découvrir du pétrole dans la région amazonienne de l’Equateur. Aujourd’hui le pétrole représente presque la moitié des exportations du pays. Un oléoduc transandéen construit peu de temps après ma première visite a depuis répandu la valeur de plus d’un demi-million de barriques dans la fragile forêt équatoriale__ plus de deux fois la quantité répandu par celui d’Exon Valdez. Aujourd’hui un nouvel oléoduc de 300 miles et coûtant 1,3milliards de dollars construit par un consortium mis sur pieds par des TGE promet de faire de l’Equateur un des dix premiers fournisseurs de pétrole des Etats-Unis. De larges zones de la forêt équatoriale ont été coupées, les aras et les jaguars sont pratiquement en voie d’extinction, trois cultures indigènes sont au bord de l’effondrement et les rivières pures ont été transformées en « saloperies » de cloaques.

Pendant cette même période, les cultures indigènes ont commencé à résister et se défendre. A la suite de quoi, le 7 mai 2003, un groupe d’avocats américains représentant plus de trente mille indigènes équatoriens ont intenté un procès en dommages et intérêts pour un milliard de dollars contre Chevron Texaco Corporation. Ils affirment qu’entre 1971 et 1992, le géant pétrolier a déversé journellement plus de sept millions et demi de litres d’eau pollué par des résidus toxiques de pétrole, métaux lourds, carcinogènes dans des trous ouverts et des rivières et a laissé derrière elle environ 350 puits ouverts de déchets qui continuent à tuer à la fois gens et animaux.

Par la fenêtre de ma voiture, je voyais de gros nuages de brume qui s’échappaient de la forêt et remontaient des canyons de la Pastaza. La sueur trempait ma chemise et mon estomac commençait à se soulever, mais pas seulement à cause de la chaleur tropicale intense et des tournants sinueux la route. Une fois de plus, la conscience du rôle que j’avais joué dans la destruction de ce beau pays m’ébranlait. A cause de moi et des autres TAGEs, l’Equateur est en bien plus mauvais état aujourd’hui qu’avant que nous ne l’initions aux miracles de l’économie moderne, de la banque et de l’ingénierie. Depuis 1970 -pendant la période euphémiquement baptisé boom pétrolier- l’indice officiel de la pauvreté est passé de 50 à 70 pour cent, alors que le sous-emploi ou chômage augmentait de 15 à 70 pour cent et la dette publique passait de $240 millions à $16 milliards. Pendant ce temps, la part de ressources nationales allouées aux segments les plus pauvres de la population tombait de 20 à 6 pour cent.

Malheureusement l’Equateur n’est pas l’exception. Presque tous les pays que nous les TAGEs avons amenés sous le parapluie de l’empire global ont subi le même sort.

La Subaru ralentit tandis qu’elle parcourait les rues de la belle station balnéaire de Banos, célèbres pour ses bains chauds crées par les rivières volcaniques souterraines qui descendent du très actif Mont Tungurahgua. Des enfants couraient le long de notre voiture en faisant de grands signes et en essayant de nous vendre des cookies et du chewing gum. Puis nous laissâmes Banos derrière nous. Le paysage spectaculaire s’arrêta abruptement. La Subaru accéléra quittant le paradis pour entrer dans une vision moderne de l’enfer de Dante.

Un monstre gigantesque s’élevait de la rivière, un mur géant et gris. Le béton ruisselant était totalement déplacé, tout à fait anormal et incompatible avec le paysage. Bien sur, je n’aurais pas du être surpris de le voir là. Je savais depuis le début qu’il nous attendrait là en embuscade. Je l’avais rencontré maintes fois avant et autrefois je l’avais même vanté comme un symbole de la réussite des TAGEs. Mais même ainsi il me donnait la chair de poule.

Ce mur affreux et incongru est un barrage qui bloque le flot rugissant de la rivière Pastaza, draine ses eaux à travers des tunnels énormes percées dans la montagne et convertit leur énergie en électricité. C’est le projet hydroélectrique Agoyan d’une puissance de 156 mégawats. Il alimente les industries qui enrichissent une poignée de riches familles équatoriennes, et a été une source de souffrances jamais divulgués, pour les fermiers et les indigènes qui vivent le long de la rivière. Cette usine hydroélectrique est juste un des nombreux projets développés grâce à mes efforts et ceux d’autres TAGEs. De tels projets sont la raison pour laquelle l’Equateur est aujourd’hui un membre de l’empire global, et également la raison pour laquelle les Shuar et les Kichwa ont déclaré la guerre à nos compagnies pétrolières.

A cause des projets TAGEs, l’Equateur est étouffé sous le poids de sa dette extérieure et doit consacrer une part démesurée de son budget national pour la rembourser, au lieu d’utiliser son capital à aider les millions de ses citoyens qui sont officiellement classés comme étant dangereusement appauvris. La seule façon pour l’Equateur de racheter ses obligations étrangères est de vendre ses forêts équatoriales aux compagnies pétrolières. En effet, une des raisons pour lesquels, les TAGEs ont choisi l’Equateur au départ, est que l’on croit que la mer de pétrole qui gît dans le sous-sol de sa forêt amazonienne pourrait rivaliser avec les champs de pétrole du Moyen Orient. L’empire global réclame sa livre de chair sous la forme de concessions pétrolières.

Ces exigences devinrent particulièrement pressantes après le 11 septembre 2001, lorsque Washington craignait que les approvisionnements du Moyen Orient puissent cesser. Par-dessus le marché, le Venezuela notre troisième fournisseur de pétrole avait élu un président populiste, Hugo Chavez, qui avait pris une position très ferme contre ce qu’il appelait l’impérialisme US ; Il menaçait d’interrompre ses ventes de pétrole aux Etats-Unis. Les TAGEs avaient échoués en Irak et au Venezuela. Mais nous avions réussi en Equateur et maintenant nous allions en tirer le maximum.

L’Equateur est typique de ces pays dans le monde que les TAGEs ont soumis à leur domination économique et politique. Pour chaque$100 de brut extrait de la forêt équatoriale équatorienne, les compagnies recevaient $75. Des $25 restants, les trois quarts devaient être consacrés à payer la dette extérieure. La plus grande partie de ce qui restait couvrait les dépenses militaires et autres dépenses du gouvernement -ce qui laissait $2.50 pour la santé, l’éducation et les programmes destinés à aider les pauvres. Ainsi, pour chaque 100 dollars de pétrole arraché à l’Amazonie,moins de $3 vont aux gens qui ont le plus besoin de cet argent, ceux dont les vies ont été chamboulés par les barrages, les forages, et les oléoducs, et qui meurent faute de nourriture comestible et d’eau potable.

Chacune de ces personnes -des millions en Equateur, des milliards autour de la planète- est un terroriste potentiel. Non parce qu’ils croient au communisme, aux doctrines anarchistes, ni parce qu’ils sont intrinsèquement mauvais, mais simplement parce qu’ils sont désespérés. En regardant ce barrage, je me demandais -comme je l’ai déjà fait si souvent fait dans tellement d’endroits dans le monde- quand ces gens passeraient à l’action, comme les américains contre les anglais dans les années 1770 ou les latino-américains contre l’Espagne au début des années 1800.

La subtilité de cette construction d’empire moderne peut en remontrer aux centurions romains, aux conquistadors espagnols, aux puissances coloniales européennes du dix huitième et dix neuvième siècle. Nous les TAGEs sommes rusés, nous avons assimilés les leçons de l’histoire. Aujourd’hui nous ne portons pas de sabres. Nous ne portons pas d’armure ni de vêtements qui nous différencient des autres. Dans des pays comme L’Equateur, le Nigeria et l’Indonésie nous sommes habillés en instituteurs, en commerçants. A Washington et à Paris, nous ressemblons à des fonctionnaires et des banquiers. Nous apparaissons humbles, normaux. Nous visitons les sites de projets et flânons dans les rues des villages appauvris. Nous faisons profession d’altruisme, parlons avec les journaux locaux des merveilleuses actions humanitaires que nous accomplissons. Nous couvrons les tables de conférences des comités gouvernementaux de nos feuilles de calcul et de nos projections financières et faisons des conférences à l’Ecole de Commerce de l’université de Harvard sur les miracles de la macroéconomie. Nous sommes officiels et visibles. Ou c’est comme cela que nous nous décrivons et c’est comme cela que nous sommes acceptés. C’est ainsi que le système marche. Il est rare que nous ayons recours à l’illégalité parce que le système lui-même est bâti sur le subterfuge et le système est par définition légitime.

Toutefois -et ceci est un avertissement majeur- si nous échouons, une espèce encore plus sinistre prend le relais, des individus que nous les TAGEs appelons des chacals, des hommes qui sont les héritiers en droite ligne de ces empires passés. Les chacals sont toujours là en embuscade dans l’ombre. Quand ils en émergent, des chefs d’état sont renversés ou meurent dans des « accidents » violents. Et si par hasard, les chacals échouent, comme ils ont échoués en Afghanistan ou en Irak, alors les vieux modèles resurgissent. Quand les chacals échouent, on envoie de jeunes américains se faire tuer.

Comme je passais à coté de ce monstre, ce mur géant et balourd de béton gris qui s’élevait de la rivière, j’étais conscient de la sueur qui détrempait mes vêtements et de crampes dans mes intestins. Je descendais vers la jungle pour rencontrer les indigènes qui étaient résolus à se battre jusqu’au dernier homme pour arrêter cet empire que j’avais aidé à créer. J’étais accablé par mon sentiment de culpabilité.

Je me demandais comment un gentil gars de la campagne du New Hampshire comme moi avait pu se faire embrigader dans une aussi sale affaire.

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